Les héritiers successifs du Cardinal, les ducs de Guise, Henri, Louis et Charles, beaucoup trop préoccupés de leur promotion personnelle dans les guerres de la Ligue, ne s'occupent guère de cette propriété et la dernière des Guise, Marie, hérite, en 1646, d'un domaine en très piteux état mais elle fait au moins les réparations qui évitent la ruine des bâtiments.
A la mort de Marie de Lorraine, en 1688, le domaine va passer aux Condé il y aura une période de flottement avec des successions rapprochées et problématiques et le château ne bénéficiera guère de cette situation jusqu’en 1736.
C’est à cette date que Georges René Binet, Premier Valet de Chambre des Dauphins, va reprendre le domaine. G-R Binet étant le gendre de Girard Marcou, l’architecte du roi, il va profiter des conseils avisés de son beau-père. Il se lance dans de grands travaux qui vont donner au château son aspect actuel, avec un grand parc « à la Française» inspiré de Versailles, puis son avenue d'entrée ( 1739 ) et ses canaux . En 1747, Georges Binet donne le domaine en dot à son fils Gérard qui achève tous les travaux entrepris. Gérard décède en 1780. Sa veuve, Elisabeth De Laborde, rachète le domaine à son beau-frère. Elle devient, par remariage, Comtesse d'Angiviller. Citoyenne à Versailles, contrairement à son mari qui s’exile, elle fera allégeance aux révolutionnaires et, à Marchais, elle fera brûler en place publique, tous les documents ayant trait à la féodalité. Elle réussira ainsi à préserver le domaine de la tourmente dévastatrice.
Revendu plusieurs fois entre 1801 et 1836 à des gens qui ne voient en ce domaine qu'un immeuble de rapport, le château est alors plus exploité qu'entretenu. Il faut attendre 1836 et l’arrivée du Comte Delamarre pour que le domaine se relève. Mais la Révolution est passée par là et les esprits et les relations ont changé ! Le Comte, dès son arrivée, est élu Maire de Marchais et il va embaucher de très nombreux ouvriers du village pour venir travailler à la refonte du domaine et la restauration du château où il accueille toutes sortes d’artistes, peintres ou sculpteurs. Il aménage le parc « à l'anglaise», avec sa pièce d’eau. Il entreprend des constructions de rapport, une ferme à Marchais et une à Liesse qu'il appelle Sainte-Suzanne en mémoire de sa fille décédée. Il fait défricher et déboiser environ 300 hectares sur le terroir de Liesse et se lance dans la culture de la betterave à sucre.
C’est à lui que l’on doit le balcon, les arcades et toutes les sculptures des lucarnes qui sont à ses yeux, autant de moyens de rendre hommage à la Famille de Lorraine dans ce qu’Elle a fait pour la Royauté et pour l’Eglise Catholique, depuis Godefroy De Bouillon jusqu’à Philippe Emmanuel , le Duc de Mercoeur !
Mécène , sénateur maire de Marchais dès 1850 , le Comte , créateur du Jockey-club , a besoin de beaucoup d’argent. Il fait malheureusement une mauvaise affaire en bourse et il se voit contraint de céder son domaine. La Comtesse Antoinette Ghislaine de Mérode qui est alors à la recherche d’une propriété entre Paris et Bruxelles, saisit l’occasion et reprend le domaine en 1854. Son mari, le Prince Charles de Monaco, devenu Prince Souverain en 1856, les princes de Monaco entrent dans l'histoire de Marchais.
Dès son arrivée à Marchais, la Princesse Antoinette découvre les conditions de vie précaires d’une population locale qui a subi les contrecoups des révolutions, des guerres napoléoniennes et des périodes d’insécurité qui ont suivi. Aide humanitaire et assistance deviennent ses préoccupations quotidiennes. Une maladie implacable la condamnant très jeune, la Princesse bien-aimée décède en 1864, laissant bien des regrets au cœur des habitants. Le Prince Charles III qui, dans un prime abord, ne voulait guère entendre parler de Marchais, va, dés lors, en faire sa résidence préférée. Il finira l’aménagement du Parc. Il terminera la Cour d’Honneur et les grilles du château qui portent son monogramme. Mais surtout, plutôt que d’investir dans l’architecture, et sur la lancée des engagements de la Princesse Antoinette, il instaurera un nouveau mode d’implication de sa Famille dans la vie du village par la construction d’un presbytère, le don d’un Chemin de Croix et la création d’un bureau de bienfaisance à la mémoire de son épouse. Il confiera même au futur architecte du Musée océanographique, Paul Delefortrie, la construction d’une école toute moderne en plein centre du village. Avec lui, le château devient le témoin d’événements remarquables pour la Principauté. En 1865 y est signé la Ratification du Traité Douanier franco-monégasque. Charles III y reçoit, de la part de l’Envoyé de Napoléon III, le Grand Cordon de la Légion d’Honneur. En 1869, Le Prince Albert 1° se marie dans la chapelle du château avec Marie Victoire Hamilton. Lorsque Charles III décède à Marchais en 1889, SAS le Prince Albert 1° y perpétue cette politique d’ouverture et, surtout à la saison des chasses, il reçoit à Marchais une partie de la Haute Société Parisienne où se côtoient Hommes de Lettres, Hommes politiques, Artistes et Grands Scientifiques: sa ferme de Ste Suzanne devient un lieu d’expérimentation de renommée internationale, l’ingénieur Louis Maiche fait au château, des essais de télégraphie sans fil, Maurice Léger y fait, en juin 1907 et en première mondiale, décoller le premier hélicoptère. Hélas, la guerre de 1914-18 va venir interrompre ce beau développement. Dès le début du conflit, un groupe d’officiers allemands, mécontents de l’enrôlement du Prince Louis dans l’Armée Française, va proposer, au Prince Albert 1°, un odieux chantage à la destruction du château et du village contre le versement d’une énorme rançon. C’est sans compter sur la détermination du Prince qui ne se laisse pas intimider. En 1918, le château est toujours debout mais hélas, vidé, pillé jusqu’aux cuvettes de WC, dans un état de dégradation lamentable au cœur d’un parc où plus de 8 000 arbres gisent à terre, attendant d’être transformés par les scieries allemandes de Liesse, en bois de soutènement pour les tranchées du Chemin des Dames. Dans l’office du château, vous pourrez encore voir un des emplacements qui avait été prévus pour recevoir les charges explosives. Après l’Armistice vient le temps de la restauration des intérieurs saccagés mais les Princes n’en oublient pas, pour autant, le village et sa population qui est l’objet de toutes leurs attentions. Le Prince Albert 1°, trop malade confie cette responsabilité au Prince Louis et la Princesse Charlotte passe les premiers hivers d’après guerre à soulager les misères causées par ce conflit dans les villages du canton. La guerre de 1939-45 vient presque aussitôt relancer ce cycle destructeur. La Princesse Charlotte installe, au château, dès les premiers jours de la guerre, une ambulance où, le 17 mai 1940, le Docteur Soubiran fait, avec les chars, un passage qu’il signale dans ses écrits. Le lendemain, il doit céder la place aux officiers allemands ! Fin août 1944, avant de quitter les lieux, les jeunesses hitlériennes incendient les écuries des Granges et y font périr de très nombreux chevaux ! Quelques jours plus tard, les officiers américains du Camp dit « de Chicago » à Marchais prennent la succession. Malgré toutes ces occupations, le château est toujours là ! La Princesse Charlotte y finira ses jours en novembre 1977, quelques mois après un incendie qui ravage la partie nord-est du château. Le Prince Rainier fera de Marchais sa résidence de chasse mais avec l’âge et surtout le chagrin du décès de la Princesse Grâce, le Prince n’engage pas de profondes réfections du château. C’est le Prince Albert II qui, dès son avènement, va s’attacher à une sérieuse restauration des façades, des lucarnes et de la Cour d’Honneur, ainsi que du bâtiment annexe construit en 1840 par Achille Delamarre..
Aujourd’hui, avec lui, le château a retrouvé une allure de jeunesse qu’il avait perdue tout au long de ces décennies difficiles. Il est redevenu une résidence princière digne de ce nom !
Jean Pestel - Juin 2020
( Résidence secondaire du Prince Albert II qui en fait un lieu de détente pour lui et sa Famille , le château n’est pas ouvert au public )