Le château de Marchais

Le Château de Marchais

près de 500 ans d’Histoire !

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D’autres  châteaux au Moyen âge ?

A la lecture des archives et selon les noms de certains  lieux-dits du terroir, on peut penser que le château actuel est le 3° qui fut construit sur Marchais. 

♦ Le plus ancien, à l’angle nord ouest, n’était peut-être qu’une sorte de château motte ou de  châtelet protégeant une des entrées du Parc de l’Abbaye St-Martin de Samoussy où vécut naguère Berthe au Grand Pied , la mère de Charlemagne ; il n’en subsiste que des noms spécifiques :  étang des Herses ,  Champ des Preux et   Champ du Château Veineux.

♦ Le second , dont les assises ont été remises à jour vers 1880 , à l’occasion du réaménagement du Parc dirigé par SAS le Prince Charles III de Monaco , a été démoli vers 1540 par Nicolas de Boussu lorsqu’il décida de construire le nouveau château , celui que l’on peut voir encore aujourd’hui. Cette vieille bâtisse moyenâgeuse, dont il avait hérité conjointement avec son cousin de la Famille de Proizy, s’élevait à environ 300 m au nord du château actuel.  C’était une construction rectangulaire avec une tour à chaque angle.

( Nicolas de Boussu est un des descendants des Trois Chevaliers d’Eppes, les Croisés, qui sont à l’origine du pèlerinage de Notre Dame de Liesse. En 1210, un de ses ancêtres, Milon de Marchais, a donné, à la commune, une des premières chartes du Vermandois. )

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Le château actuel est une de ces bâtisses de la Première Renaissance, construites  entre 1480 et 1530, avec, parmi elles, le château d’Azay-le-Rideau qui a fortement inspiré Nicolas de Boussu. Ces demeures de la première Renaissance n’ont pas évolué aussi vite qu’en Italie; elles ont encore conservé quelques éléments anciens comme les échauguettes, les tours, les mâchicoulis, les fossés ou les toitures très hautes dites « à la française »

A Marchais, au premier coup d’œil, on  remarque trois de ces éléments ; le plus visible, ce sont les toitures hautes avec leur « plomeries », leurs couvertures d’ardoise bleue sans gouttière et leurs chaînages en pierre blanche,  ensuite, ce sont les échauguettes, reprises d’un module ancien d’architecture militaire dont le plus bel exemple local du XII° siècle est la « Porte d’Ardon » à Laon. Le troisième élément, c’est la persistance des fossés ou douves rapprochées qui, ici, ont été asséchées au XVIII° siècle par Binet et remplacées par des canaux d’assèchement du terroir qui protègent le château sur un périmètre de près de 5 Km , englobant un parc de plus de 180 hectares. 

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 Les propriétaires successifs du château de Marchais

♦ Nicolas de Boussu (t), Sire de Longueval,     le constructeur ,                        à partir de 1535

♦ Claude de Boussu (t), son fils,                                                                    de 1545 à 1547

♦ Le Cardinal Charles de Lorraine, archevêque de Reims,                               de 1547 à 1574

♦ Henry 1°, Duc de Guise, neveu du Cardinal                                                  de 1574 à 1588

♦ Charles de Lorraine, 4° duc de Guise et son épouse la Duchesse Henriette Catherine  de  Joyeuse,

                                                                                                                            de 1588 à 1640

♦ Henri II de Guise, 5° duc de Guise,                                                             de 1640 à 1646

♦ Marie de Lorraine, soeur de ce même Henri II,                                             de 1646 à 1688

Après la mort d’Henri en 1646,  elle prend le nom de Marie de Guise.  Dernière survivante de la lignée des ducs de Guise, après elle, les titres et biens des Guise passent aux Condé.

♦ Henry Jules de Bourbon, prince de Condé et son épouse, Anne, Palatine de Bavière, et sa soeur, Bénédictine, Palatine de Bavière, Duchesse Douairière  de Brunswick et de Hanovre ( le nom de cette soeur se retrouve avec celui du Prince et de la Princesse de Condé sur tous les actes concernant la baronnie de Marchais.           de 1688 à 1719

♦ Louise Philberthe de Xaintrailles , épouse de Clairiadus de Choiseul , puis , en seconde noces , de Alexandre de Balsac , marquis d'Entragues .

le château repasse, la même année , au titre de retrait lignager à >

♦ Louis Henry de Bourbon, époux d'Anne - Marie de Bourbon, dite  Mademoiselle de Conti.

                                                                                                                      de 1719 à 1723

♦ Louise Adélaïde de Bourbon, dite Mademoiselle de La Roche sur Yon , princesse du sang .  Soeur de Anne Marie de Bourbon  - ci-dessus - ;   elle rachète le  château à son beau-frère en 1723.

♦ Georges René Binet , premier Valet de Chambre de Monseigneur le Dauphin .

Il se fait confirmer un titre de baron afin d'éviter les problèmes de retrait lignager comme en ont connu ses prédécesseurs. Acheté en 1736, le château est donné en cadeau de mariage à son fils , >

 ♦ Eustache Gérard Binet  Gérard qui garde le château jusqu’à sa mort,             de 1747 à 1780    

♦ Elisabeth Josèphe de Laborde, sa veuve,  rachète le domaine à son beau-frère Binet de Boisgiroult. Remariée à Charles Claude Flahaut de la Billarderie, comte d'Angiviller, elle fera allégeance aux révolutionnaires, en 1789. De ce fait le château ne sera pas détruit .      

                                                                                                                     de 1780 à 1801

♦ Pierre François Aumont, marchand de chevaux à Caen rachète le domaine en 1801 et le revend, dès 1803, à >

♦ Médard Desprez, banquier à Paris , fils d'un instituteur de Chavignon ( Aisne) . Déclaré en faillite , celui-ci cédera le  château  à >

♦ Jules Henry Charles Frédéric de Pourtalès , comte d'Empire,  qui ne voit en ce domaine qu'une source de rapport .

♦ le Comte Achille Delamarre, reprend ce domaine en 1836,  le met en valeur et l'agrandit et fait de grands travaux de restauration sur la bâtisse.

                                                                                                                      de 1836 à 1854

♦ la Comtesse Antoinette Ghislaine de Mérode, épouse de Charles Grimaldi, prince héritier de Monaco, reprend le château en 1854.

A son décès en 1865, c’est le Prince Albert 1° qui en devient usufruitier puis propriétaire après 1889. Le château est resté, depuis cette date,  propriété de la Famille de Monaco.

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Quelques pages  d’Histoire

C’est vers 1535 que le Sire de Longueval, Nicolas de Boussu,  Surintendant des Finances Royales, grand capitaine et ami personnel du Roi de France François 1°,  fit élever ce château où il  pourrait recevoir le roi en pèlerinage à Liesse. Mais Nicolas de Boussu savait  très bien qu’à la mort de son protecteur, le futur Henri II, par  maîtresses interposées, ne lui ferait pas de cadeaux. Pour éviter la saisie de ses biens comme l’avait vécue Gilles Berthelot à Azay-le- Rideau, Nicolas de Boussu,  dès 1547, céda sa propriété à son fils Claude qui, lui, la revendit presque aussitôt, en 1549, au Cardinal Charles De Lorraine, archevêque de Reims. C’est ainsi que la Famille de Lorraine, et plus précisément la branche des Ducs de Guise, allait prendre pied à Marchais.

Lorsque le Cardinal racheta le château, celui-ci  n'avait pratiquement pas d'espace autour de lui. Le Cardinal  profita de ses fonctions d'Abbé Commendataire de l'Abbaye Saint-Martin de Laon pour agrandir son domaine en reprenant, à ces religieux,  des terres sur leur parc de Samoussy et sur Liesse. Il fit également aménager une  grande chapelle digne de ses hautes fonctions et destinée à la réception des Grands de la Cour, milieu qu’il fréquentait assidûment car en remontant dans la généalogie des Rois de France, les Lorraine pouvaient  prétendre, eux aussi, à la couronne de France. Dès 1562, les Guerres de Religion et de la Ligue auxquelles ses neveux Henri et Louis participeront activement vont conduire des troupes protestantes vers Marchais, Liesse et Sainte Preuve. Pour protéger son château, le Cardinal fera fermer la Cour d’Honneur par une galerie toute « militaire » et ériger une grosse tour de défense devant les fenêtres de sa chapelle.

Un dessin du Sieur De la Pointe, remontant à 1680, nous montre  le château au milieu des marais et on peut voir comment il avait été transformé.

C’est le plus ancien document retrouvé concernant ce château :

Chateau de marchais 1

Les héritiers successifs du Cardinal, les ducs de Guise, Henri, Louis et  Charles,  beaucoup trop préoccupés de leur promotion personnelle dans les guerres de la Ligue, ne s'occupent guère de cette propriété  et la dernière des Guise, Marie, hérite, en 1646, d'un domaine en très piteux état mais elle fait au moins les réparations qui évitent la ruine des bâtiments.

A la mort de Marie de Lorraine, en 1688, le domaine va passer aux Condé il y aura une période de flottement avec des successions rapprochées et problématiques et le château ne bénéficiera guère de cette situation jusqu’en 1736.

C’est à cette date que  Georges René Binet,  Premier Valet de Chambre des Dauphins, va  reprendre le domaine. G-R Binet étant le gendre de Girard Marcou, l’architecte du roi, il va profiter des conseils avisés de son beau-père. Il se  lance dans de grands travaux qui vont donner au château son aspect actuel, avec un grand parc « à la Française» inspiré de Versailles, puis son avenue d'entrée ( 1739 ) et ses canaux . En 1747, Georges Binet donne le domaine en dot à son fils Gérard qui achève tous les travaux entrepris. Gérard  décède en 1780. Sa veuve, Elisabeth De Laborde, rachète le domaine à son beau-frère. Elle devient, par remariage, Comtesse d'Angiviller. Citoyenne à Versailles, contrairement à son mari qui s’exile, elle fera allégeance aux révolutionnaires et, à Marchais, elle fera brûler en place publique, tous les documents ayant trait à la féodalité. Elle réussira ainsi à préserver  le domaine de la tourmente dévastatrice.

Revendu plusieurs fois entre 1801 et 1836 à des gens qui ne voient en ce domaine qu'un immeuble de rapport, le château est alors plus exploité qu'entretenu. Il faut attendre 1836 et l’arrivée du Comte Delamarre pour que le domaine se relève. Mais  la Révolution est passée par là et  les esprits et les relations ont changé ! Le Comte, dès son arrivée, est élu Maire de Marchais et il va embaucher de très nombreux ouvriers du village pour venir travailler à la refonte du domaine et la restauration du château où il accueille toutes sortes d’artistes, peintres ou sculpteurs. Il aménage le parc « à l'anglaise», avec sa pièce d’eau. Il entreprend des constructions de rapport, une ferme à Marchais et une à Liesse qu'il appelle Sainte-Suzanne en mémoire de sa fille décédée. Il fait défricher et déboiser environ 300 hectares sur le  terroir de Liesse et se lance dans la culture de la betterave à sucre.

C’est à lui que l’on doit le balcon, les arcades et toutes les sculptures des lucarnes qui sont à ses yeux, autant de moyens de rendre hommage à la Famille de Lorraine dans ce qu’Elle a fait pour la Royauté et pour l’Eglise Catholique, depuis Godefroy De Bouillon jusqu’à Philippe Emmanuel , le Duc de Mercoeur !

Mécène , sénateur maire de Marchais dès 1850 , le Comte , créateur du Jockey-club ,  a besoin de beaucoup d’argent. Il fait malheureusement une mauvaise affaire en bourse et il se voit contraint de céder son domaine. La Comtesse Antoinette Ghislaine de Mérode qui  est alors à la recherche d’une propriété entre Paris et Bruxelles, saisit l’occasion et reprend  le domaine en 1854.  Son mari, le Prince Charles de Monaco, devenu Prince Souverain  en 1856, les princes de Monaco entrent dans l'histoire de Marchais.

Dès son arrivée à Marchais, la Princesse Antoinette découvre les conditions de vie précaires d’une population locale qui a subi les contrecoups des révolutions, des guerres napoléoniennes et des périodes d’insécurité qui ont suivi. Aide humanitaire et assistance deviennent ses préoccupations quotidiennes. Une maladie implacable la condamnant très jeune, la Princesse bien-aimée  décède en 1864, laissant bien des regrets au cœur des habitants. Le Prince Charles III qui, dans un prime abord, ne voulait guère entendre parler de Marchais, va, dés lors, en faire sa résidence préférée. Il finira l’aménagement du Parc. Il terminera la Cour d’Honneur et les grilles du château qui portent son monogramme. Mais surtout, plutôt que d’investir dans l’architecture, et sur la lancée des engagements de la Princesse Antoinette,  il instaurera un nouveau mode d’implication de sa Famille dans la vie du village par la construction d’un presbytère, le don d’un Chemin de Croix et la création d’un bureau de bienfaisance à la mémoire de son épouse. Il confiera même au futur architecte du Musée océanographique, Paul Delefortrie, la construction d’une école toute moderne en plein centre du village. Avec lui, le château devient le témoin  d’événements remarquables pour la Principauté. En 1865 y est signé  la Ratification du Traité Douanier franco-monégasque. Charles III y reçoit, de la part de l’Envoyé de Napoléon III, le  Grand Cordon de la Légion d’Honneur. En 1869, Le Prince Albert 1° se marie dans la chapelle du château avec Marie Victoire Hamilton. Lorsque Charles III décède à Marchais en 1889, SAS le Prince Albert 1° y perpétue cette politique d’ouverture et, surtout à la saison des chasses, il reçoit à Marchais une partie de la Haute Société Parisienne où se côtoient Hommes de Lettres, Hommes politiques, Artistes et Grands Scientifiques: sa ferme de Ste Suzanne devient un lieu d’expérimentation de renommée internationale, l’ingénieur Louis Maiche  fait au château, des essais de télégraphie sans fil, Maurice Léger y fait, en juin 1907 et en première mondiale, décoller le premier hélicoptère. Hélas, la guerre de 1914-18 va venir interrompre ce beau développement. Dès le début du conflit, un groupe d’officiers allemands, mécontents de l’enrôlement du Prince Louis dans l’Armée Française, va proposer, au Prince Albert 1°, un odieux chantage à la destruction du château et du village contre le versement d’une énorme rançon. C’est sans compter sur la détermination du Prince qui ne se laisse pas intimider. En 1918, le château est  toujours debout mais hélas, vidé, pillé jusqu’aux cuvettes de WC,  dans un état de dégradation lamentable au cœur d’un parc où plus de 8 000 arbres gisent à terre, attendant d’être transformés par les scieries allemandes de Liesse, en bois de soutènement pour les tranchées du Chemin des Dames. Dans l’office du château, vous pourrez encore voir un des emplacements qui avait été prévus pour recevoir les charges explosives. Après l’Armistice vient le temps de la restauration des intérieurs saccagés mais les Princes n’en oublient pas, pour autant, le village et sa population qui est l’objet de toutes leurs attentions. Le Prince Albert 1°, trop malade confie cette responsabilité au Prince Louis et la Princesse Charlotte passe les premiers hivers d’après guerre à soulager les misères causées par ce  conflit dans les villages du canton. La guerre de 1939-45 vient presque aussitôt relancer ce cycle destructeur. La Princesse Charlotte installe, au château, dès les premiers jours de la guerre, une ambulance où, le 17 mai 1940, le Docteur Soubiran fait, avec les chars,  un passage qu’il signale dans ses écrits. Le lendemain, il doit céder la place aux officiers allemands ! Fin août 1944, avant de quitter les lieux, les jeunesses hitlériennes incendient les écuries des Granges et y font périr de très nombreux chevaux ! Quelques jours plus tard,  les officiers américains du Camp dit « de Chicago » à  Marchais prennent  la succession. Malgré toutes ces occupations, le château est toujours là ! La Princesse Charlotte y finira ses jours en novembre 1977, quelques mois après un incendie qui ravage la partie nord-est du château. Le Prince Rainier fera de Marchais sa résidence de chasse mais avec l’âge et surtout le chagrin du décès de la Princesse Grâce,  le Prince n’engage pas de profondes réfections du château. C’est le Prince Albert II qui, dès son avènement,  va s’attacher à une sérieuse  restauration des façades, des lucarnes et de la Cour d’Honneur, ainsi que du bâtiment annexe construit en 1840 par Achille Delamarre..

Aujourd’hui, avec lui, le château a retrouvé une allure de jeunesse qu’il avait perdue  tout au long de ces décennies difficiles. Il est redevenu une résidence princière digne de ce nom !

Jean Pestel - Juin 2020

( Résidence secondaire du Prince Albert II qui en fait un lieu de détente pour lui et sa Famille , le château n’est pas ouvert au public )

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