L'église de Marchais

L’église Saint Martin et le patrimoine religieux de Marchais

Construite au XII° siècle, cette église présente un clocher large, peu élevé et  à base carrée. Ce clocher massif présente une charpente remarquable. Depuis sa rénovation de 1994, il a pris des airs de hourd médiéval qui lui donnent belle allure et l’affine un peu. Ce clocher qui devait exister avant la signature de la charte en 1210 a été cité dans les archives du Vermandois comme beffroi. En effet, sous les cloches, il existe une petite salle carrée, prévue pour accueillir des guetteurs. C’est une petite salle qui avait 2 fenêtres aujourd’hui cachées par le toit du transept. Il y subsiste deux petites meurtrières qui permettaient de surveiller les approches du village. A l’étage supérieur, un petit chemin de ronde fait le tour du clocher et, de là, on peut surveiller toute la campagne environnante en regardant par les jours des abat-son qui étaient jusqu’en 1994 équipés de volets comme on peut le découvrir sur de vieilles cartes postales.  

Eglise de Marchais 1

Eglise de Marchais 2

Enfermée dans l’enclos de son cimetière, cette église a servi de lieu d’asile pendant les guerres nombreuses du Moyen Age. Il y avait même un puits à la porte d’entrée.  Quand on prend le temps d’observer cette église et surtout l’imbrication des pierres d’angles, on découvre qu’autour d’une bâtisse construite avec des gros blocs de grès local, au cours des siècles, on a rajouté un clocher, puis un chœur gothique puis un transept et enfin des bas-côtés. (ces derniers ont été élargis d’un mètre 75 en 1852, au moment où la population de Marchais était à son maximum : 671 habitants. )

De 1914 à 1918, cette église, située en retrait du Chemin des Dames a été transformée par les Allemands  en hôpital militaire. Elle a subi de nombreuses dégradations et elle a été restaurée en 1924. Elle a alors reçu de nouvelles cloches offertes par le Prince Louis de Monaco pour remplacer celles emportées par l’occupant en 1917. Elle a reçu également de nouveaux vitraux réalisés par M. Merklen, maître verrier à Angers.

Cette église a encore quelques autres particularités intéressantes.

  • De son passé ancien il reste des fonts baptismaux du XII° siècle, un ensemble cuve et piédestal de pierre monobloc dont les sculptures commencent à souffrir de l’outrage des années.  L’église de Lierval, au sud de Laon possède le même bloc de fonts baptismaux.
  • Sous les porches extérieurs, on peut lire les épitaphes de trois pierres tombales relevées en 1852, épitaphes qui témoignent que, jusqu’à la Révolution, les bourgs de Liesse et Marchais étaient réunis sous la même justice.
  •  Dans la nef, un grand tableau racheté au Comte Delamarre en 1854 par M. Hoppillart, antiquaire,  a été offert à l’église à l’occasion de son élargissement. Ce tableau nous présente une descente de Croix. La famille qui assiste à cette scène  symbolise la Famille de Lorraine - et celle de Guise en particulier – réunie autour de l’Eglise défaillante: c’est le sujet même des Guerres de Religion où les Ducs de Guise ont eu un engagement  important. Ce même sujet est traité à travers les médaillons sculptés qui ornent les fenêtres du château où on retrouve les mêmes personnages.
  • A l’intérieur de l’église, toujours,  il y a 2 chemins de croix.  L’un est constitué de 14 grands  tableaux peints sur toiles par Champigneulles ( école de Metz, 1865 ). Il a été offert par le Prince Charles III de Monaco au décès de son épouse, la Princesse Antoinette Ghislaine De Mérode.

( on peut y voir les Armes des Familles de Mérode et de Monaco).  L’autre chemin de croix est de l’artiste champenois Fernand Py. De style art-déco des années 1925-1935, il consiste en quatorze tableautins de plâtre en relief. Il a été installé en mezzanine autour de l’orgue offert en 1884 par le Prince Charles III.

Tableau du chemin de croix

  • On peut  voir également, derrière l’autel, un grand  retable qui provient du Dauphiné ! Rapporté en 1741 par le Baron Binet, Premier Valet de Chambre des Dauphins et propriétaire du château, il a été donné à la fabrique de l’église qui venait de refaire le chœur. Ce retable a un frère jumeau dans l’église de Séez, à la sortie de Bourg-Saint Maurice ( Savoie). Ce retable réalisé dans le style des Rubens de la contre –réforme est une oeuvre de Etienne Fodéré, artiste savoyard décriée en son pays conservateur comme étant une œuvre trop exubérante.  Il est le seul de ce style en Picardie.

Retable de Marchais

Retable de Marchais

Retable

Retable de Séez

  • Dans le village, route de Reims, se dresse un calvaire du milieu du XIX° siècle qui a été réalisé en fonte moulée par Alfred Corneau, le fondateur des Usines Deville, à Charleville. Ce calvaire présente un médaillon en relief, copie du tableau de Rubens, la Descente de Croix aujourd’hui dans  la chapelle des arquebusiers de la cathédrale d’Anvers.

Calvaire de Marchais

Calvaire de Marchais

Tableau rubens

La descente de Croix de Rubens

Avec d’autres modèles aux médaillons différents comme à Celles sur Aisne ou Vincy - Reuil et Magny , à Oeuilly ou à Vermand, élevés aux carrefours des chemins,  ce modèle de calvaire constituait une leçon de catéchisme en relief à l’usage du passant.   Ces calvaires sont des témoins de la relance de la religion catholique après la Révolution. Ils sont aussi les témoins des premiers usages de la fonte moulée, une technologie que Corneau et ses successeurs développeront jusqu’à nos jours.

  • En 1865, une horloge nouvelle a été installée dans le clocher. Son mécanisme particulier est logé dans une grande armoire qui a nécessité la surélévation d’une partie du toit. Ce coffre bien visible à l’extérieur sous le clocheton renferme encore les rouages de cette horloge qui a été réalisée par M.M Ungerer frères, successeurs des Usines Schwilgué, usines alsaciennes qui ont réalisé l’Horloge astronomique de Strasbourg.
  • Cette église renferme de nombreuses traces de l’intérêt des Princes de Monaco pour cette paroisse : une statue de la vierge noire offerte en 1921 par la Princesse Charlotte , avec un magnifique livre de messe, deux autels secondaires en pierre aujourd’hui dédiés, l’un à Marie et l’autre aux Jésuites, chacun d’eux étant accompagné d’un vitrail de transept: présentation de Marie au temple et Baptême de Louis de Gonzague par Charles Borromée. Avec le vitrail rond de l’oculus au-dessus du maître-autel, les vitraux du transept et  les autels  sont des dons de Charles III de Monaco datant de 1884.
  • Une stèle offerte par la Municipalité est dédiée en remerciement à la mémoire de Charles III de Monaco après sa mort, en 1889.

Jean Pestel

 Juillet 2020